V. Les raisons du choix d'un investissement dans le secteur social

V.1 Du côté du nu-propriétaire, personne physique


   V.1.1 Réduction relative du risque économique de moins-value à l'extinction de l'usufruit.


La quote-part de la nue-propriété dans le démembrement représente un pourcentage du prix en pleine propriété.

Indépendamment du profil fiscal du nu-propriétaire, le montant de la moins-value éventuelle de cession du bien après l'extinction de l'usufruit temporaire est donc moindre qu'un achat en pleine propriété si une baisse des prix de l'immobilier est enclenchée à ce moment-là. De plus, le complément de prix (pleine propriété moins nue-propriété), investi librement sur les marchés financiers dans des valeurs d'un rendement plus performant que celui d'une location dans le secteur social, abaisse mécaniquement le prix effectif de la nue-propriété. Le prix de sortie du bien à l'extinction de l'usufruit et le niveau des taux d'intérêts à long terme conditionnent toutefois la rentabilité du projet. Le recours à l'actualisation des actifs, certes complexe, est indispensable pour comparer les scenarii.

A ce sujet, le lecteur se référera à la partie mathématique «Fixation analytique de l'usufruit dans le démembrement temporaire».

La liberté de fixation du prix de vente et celle du choix, soumis à aucune règle d'attribution prioritaire de l’acquéreur, permettent au nu-propriétaire devenu propriétaire à part entière d'être face aux conditions de vente du marché libre.

La vente en pleine propriété reconstituée au terme de l'usufruit temporaire social échappe en effet aux dispositions des articles L443-11et suivant du CCH modifiés par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 - art. 114 (V) concernant les mutations effectuées uniquement par les bailleurs sociaux.

Le congé pour vendre suit, pour sa part, le formalisme prévu à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Toutefois, pour minimiser sur le plan fiscal l'éventuelle plus-value et/ou éviter des frais ultérieurs de gestion de copropriété et de location, l'investisseur privé sera plutôt tenté de mettre en vente le logement dés la fin de l'usufruit temporaire. Plusieurs logements du même programme immobilier et généralement dans un même bâtiment se retrouveront au même moment sur le marché - le cas d'un locataire se maintenant sans les lieux n'étant pas exclus - , ce qui pèsera sur le niveau des prix locaux.

Quelles solutions adopter?

Une clause instituant une indemnité contractuelle pour le nu-propriétaire en cas de non libération du bien à l’issue de la période d’usufruit peut être prévue dans la convention d’usufruit.

Le marché de la revente de la nue-propriété est très étroit. Non centralisé, il reste opaque quant au niveau des prix pratiqués.L'investisseur à moindre risques serait bien avisé de négocier auprès des directions commerciales l'insertion dans le contrat de réservation d'une option de revente avec un prix minimum convenu d'avance de la nue-propriété pendant 10 ans à compter de la date de livraison du logement, délai au delà de laquelle les OHLM peuvent aliéner des logements (CCH L 443-7).

Un système d'assurance dans les 10 ans suivant l'achat en pleine propriété d'un logement en VEFA sous conditions de ressources (http://habitat.coop/spip.php?article25) a même été mis en place par les coopératives d'HLM en cas de revente forcée à perte sous conditions (mutation professionnelle, perte d’emploi, divorce....). Sa couverture représente 20% du prix d’achat plafonné à 40 000 euros.
 

   V.1.2 Dispositif fiscal incitatif


- Déduction fiscale des intérêts des emprunts par les nus-propriétaires afférents aux logements dont l'usufruit est détenu temporairement par un bailleur social. La possibilité de se constituer un déficit foncier par l'emprunt diminue le montant du au titre de l'IRPP.

Suivant les dispositions du GCI Article 885 G quater créé par la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 - art. 13, les dettes contractées par le redevable pour l'acquisition ou dans l'intérêt de biens qui ne sont pas pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune dû par l'intéressé ou qui en sont exonérés ne sont pas imputables sur la valeur des biens taxables. Le cas échéant, elles sont imputables à concurrence de la fraction de la valeur de ces biens qui n'est pas exonérée.

En revanche, le d du 1° du I de l'article 31 du CGI permet aux nus-propriétaires, pour la détermination des revenus fonciers imposables à l'impôt sur le revenu, de déduire les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition, la conservation, la construction, la réparation ou l'amélioration des logements dont l'usufruit est détenu temporairement par un organisme d'habitation à loyer modéré (HLM) mentionné à l'article L411-2 du code de la construction et de l'habitation (CCH), une société d'économie mixte ou un organisme agréé mentionné à l' article L365-2 du CCH.

La fraction du déficit foncier résultant des intérêts d'emprunt s'impute exclusivement sur les revenus fonciers (d'une autre propriété déjà en location par exemple) des dix années suivantes.

Plus généralement, les charges non déductibles de l'IRPP, notamment celles de copropriété, sont dévolues souvent en totalité au bailleur social dans le contrat de démembrement rédigé de gré à gré entre les parties.

Références: chapitre III BOI-RFPI-BASE-30-20-20-20120912


- Exonération de la TFPB, taxe foncière sur les propriétés bâties, due par le bailleur

- Plus-value fiscale allégée lors d'une cession après réunion de propriété
On se référera à la fiche n°16 «démembrements de propriété» du BOI 8 M-1-05 n°135 du 4 août 2005

13 Prix de cession. Le prix de cession à retenir est le prix réel tel qu’il est stipulé dans l’acte

14. Prix d’acquisition. Il convient de distinguer les situations suivantes:...

-la nue-propriété a été acquise à titre gratuit ou à titre onéreux et l’usufruit par extinction: d’une manière générale, lorsque l’usufruit a été acquis par voie d’extinction, son prix d’acquisition est nul. Toutefois, il est admis de retenir pour le calcul de la plus-value immobilière imposable, la valeur vénale de chacun des droits (donc la valeur de la pleine propriété) à la date d’entrée de la nue-propriété dans le patrimoine du cédant.

15. Durée de détention. La durée de détention doit être décomptée à partir de la première des deux acquisitions qu’elles soient à titre onéreux, à titre gratuit ou par voie d’extinction naturelle.

La plus-value fiscale devrait être très faible (confert I-1-b), même sans appliquer la décote de droit commun associée à la durée de détention des biens immobiliers.

- Non prise en compte de la valeur de la nue-propriété dans l'assiette de l'ISF

Si la valeur des biens taxables est située un peu au dessus de la première tranche d’imposition, le surplus pourra être affecté à la nue-propriété, quitte à être propriétaire par le dispositif de l'ULS de plusieurs logements HLM.

- TVA à taux réduit à l'acquisition de la nue-propriété

Le taux réduit est associé à l'obtention de certains types de prêts accordés au bailleur social par l’État. Le PLI adapté pour les zones à forte tension de location, n'en bénéficie pas. Si le programme de construction en VEFA met en avant l'avantage d'un taux réduit de TVA, il est très conseillé pour validation de prendre contact avec le SIE correspondant au lieu du permis de construire. Un numéro de dossier vous sera alors attribué. 

Il faut toutefois garder en mémoire que sur une durée aussi longue (> 15 ans), les avantages fiscaux peuvent être remis en cause par la réglementation spécialisée déjà très mouvante.
 

V.2 Du côté de l'usufruitier


- Participation de capitaux privés au financement des logements sociaux.

- Exonération de longue durée de la taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des constructions de logements sociaux à usage locatif financés au moyen de prêts aidés par l'État à hauteur de plus de 30% du coût de construction et bénéficiant du taux réduit de la TVA  (BOI-IF-TFB-10-90-30 20120912 alinéas 90,100,120).
 

V.3 La communication sur l'ULS

 
L'usufruit social fait débat:
  • D'un côté, une partie des logements sociaux financés par l’État retourne dans le parc privé à l'extinction de l'usufruit et créerait une distorsion de traitement entre les nouveaux locataires non assujettis à des conditions de ressources et le reste des occupants. La satisfaction des demandes de logements sociaux s'amoindrit , le taux de rotation des locataires étant déjà très faible. De plus, ce dispositif privilégie fiscalement les investisseurs privés les plus fortunés.
  • De l'autre, la mixité sociale est mise en avant. Il serait toutefois étonnant que l'investisseur aisé trouve une offre d'ULS dans une zone conventionnée ZUS et occupe lui-même le logement à titre de résidence principale. Quoique les réservations ULS en VEFA s'effectuent selon une pratique bien établie pour la totalité des lots d'un bâtiment avec des aménagements complémentaires (sécurité notamment).
  • Ce type d'investissement à long terme est très marginal par rapport au parc des logements HLM. Il ne concerne que les zones à forte tension de location comme Paris intra-muros où les prix de l'immobilier ancien se sont envolés ces dernières années et quelques métropoles régionales. Le financement privé dans le neuf complémente donc utilement celui des bailleurs sociaux.
L'ingénierie commerciale s'étoffe:
l'ULS semble intéresser de plus en plus les conseillers en gestion de patrimoine à la recherche d'investisseurs, les cabinets juridiques pour la rédaction des clauses du contrat de réservation, de démembrement (création d'un label), les sociétés se spécialisant dans l'évaluation de l'usufruit et sa quote-part.
 

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